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L’Anthropocène au cinéma
Sur l’ensemble des films programmés à la 35e édition de Cinélatino, autant cette année que les dernières éditions du festival, on peut constater la présence d’une production cinématographique qui situe les spectateurs·trices dans des problématiques propres à ce qu’on connaît aujourd’hui comme l’Anthropocène.
Ce concept a été inventé par le chimiste atmosphérique hollandais Crutzen et le biologiste américain Stoermer en 2000. Ces scientifiques ont observé les profondes modifications que l’être humain a introduites dans l’environnement et l’impact planétaire de ces changements sur le système terrestre et les écosystèmes. Ils ont postulé que l’Anthropocène était alors une nouvelle ère géologique dans laquelle l’influence des êtres humains sur le système terrestre et les écosystèmes était devenue significative à l'échelle de l'histoire de la Terre. Cette ère se caractérise par des modifications amorcées au début de la révolution industrielle au 19e siècle.
En Amérique latine, les enjeux de pouvoir et les inégalités sociales historiquement présentes dans la région ont produit des transformations environnementales de grande envergure. Dans un territoire si varié et fécond, l’extraction massive des ressources non renouvelables, l’exploitation minière, agricole et des énergies fossiles, l’épuisement de l’eau, les déplacements de populations dus aux changements climatiques, l'urbanisation exponentielle, la gestion des déchets industriels, l’occupation de territoires indigènes, l’expropriation des patrimoines naturels sont quelques-unes des manifestations géopolitiques de l’Anthropocène.
La reconnaissance des conséquences de l'activité humaine sur l’environnement a poussé la production artistique, donc le cinéma, vers de nouvelles narrations, des réponses esthétiques et sensorielles à la crise planétaire. Des films comme Herbaria, Utama, La Roya, La mine du diable, Domingo et la brume, Berta soy yo en sont des exemples. Ces films témoignent des différentes formes de résistances locales antisystème. La révolte des peuples autochtones, les rébellions des populations paysannes face à l’usurpation, les tentatives de développer une économie sociale et solidaire, les expériences d’autogestion, la forte militance des leaders écologistes et la création de nouvelles formes de communauté sont quelques-uns des sujets évoqués à travers leurs images. Leurs récits sont un cri d’alerte face à la vision hégémonique du progrès et pour certains, une invitation urgente à repenser d’autres manières pour interagir avec l’environnement.
Cela permet, par conséquence, d’ouvrir le débat sur l’influence du cinéma en tant que dispositif pour expérimenter ce que Anna Tsing nomme « l’art de remarquer » : de nouvelles formes de percevoir la fragilité et la précarité de la survie humaine et non humaine. Puisqu’en définitive, comme nous le savons bien, le cinéma a le pouvoir de nous faire imaginer d’autres formes de vie et même de modifier nos perceptions
Anna Lowenhaupt Tsing (1952) est une professeure américaine d'anthropologie. Elle travaille à l'université de Californie à Santa Cruz dans la division des humanités, le département des études féministes et dans le département des études environnementales.
Paula Oróstica