Édito du Président (2020)

Depuis plus d’un an, de nombreux pays d’Amérique latine sont agités par des mouvements sociaux de grande ampleur et connaissent des bouleversements de la vie politique. Les manifestations de rue ont été ou sont encore massives au Chili, en Colombie, en Équateur. Le Brésil a destitué par la voie judiciaire Dilma Rouseff et emprisonné l’ex-président Lula pour pouvoir élire un président d’extrême droite. En Bolivie, la droite raciste a renversé Evo Morales, au contraire, l’Argentine a reconduit au gouvernement les péronistes, mais le Mexique de AMLO est toujours traversé par une violence devenue endémique…

 

Quelles sont les conséquences de tous ces mouvements sociopolitiques de fond sur la production, la diffusion et le contenu des œuvres cinématographiques ? Face à la concurrence des plateformes aux puissants moyens, telles que Netflix, Fox rachetée par Disney, Apple et Warner et d’autres à venir, les aides publiques telles qu’elles existent en France, quelles que soient leurs formes, sont décisives pour défendre le cinéma d’auteur et la diffusion de ces œuvres en salle. Ces quinze dernières années, de nombreux pays latino-américains se sont dotés de lois d’aide au cinéma, à sa production et sa diffusion, qui ont permis l’émergence d’œuvres d’une nouvelle génération de cinéastes formés dans des écoles elles aussi nouvelles dans les pays du sud du continent. Ce mouvement culturel va-t-il s’éteindre menacé par un double danger ?

 

1- Ce qui est déjà prouvé par les faits c’est que les droites néolibérales, évangélistes ou plus radicalement fascistes n’aiment pas l’art en général, et le cinéma en particulier, et ont supprimé toutes les aides publiques directes, ou sous forme de crédit d’impôt. Le Brésil de Bolsonaro en est l’exemple le plus radical et incendiaire.

 

2- Le mode de production des plateformes qui privilégie le résultat commercial et financier à priori à travers ce qu’elles nomment IP pour intellectual properties fonctionne à l’inverse de la création artistique : étudions ce qui va séduire le public, ce qui va marcher (avec un bureau d’étude adéquat avant le scénariste et le producteur), et fabriquons-le avec de gros moyens et si possible, un bon réalisateur. (L’article de Thomas Sotinel dans Le Monde du 3/01/2020 analyse en détail les mécanismes en œuvre). Quelques grands auteurs du cinéma en ont profité, y compris des latino-américains. Mais la normalisation consommatrice risque d’être au bout du chemin !

 

Cinélatino vous montre la richesse de la production récente, dont les films sont autant d’actes artistiques de résistance.

 

Francis Saint Dizier, Président de l'ARCALT

 

 


L'ASSOCIATION RENCONTRES CINÉMAS D’AMÉRIQUE LATINE DE TOULOUSE (ARCALT)

“Les Rencontres ont été créées par un collectif d'associations de solidarité avec l'Amérique Latine […]. La prise de conscience du danger que courent les cinémas latino-américains, née de contacts directs, a orienté la question de la solidarité en termes généraux vers une “solidarité cinématographique”. En 1991, le collectif décide de créer un organisme s'occupant spécifiquement du cinéma, l'ARCALT - Association des Rencontres Cinémas d'Amérique Latine de Toulouse - son objectif étant d'aider et de défendre les cinémas d’Amérique latine : mieux les faire connaître, diffuser et distribuer en France” L'ARCALT est une association loi 1901. (extrait de “Films latino-américains, festivals français” d'Amanda Rueda in Caravelle n°83, p 98-99, Toulouse 2004). L'association organise depuis 1989 les Rencontres Cinémas d'Amérique Latine de Toulouse afin que se créent des liens entre les créateurs latinoaméricains invités, le public, les professionnels et les médias. Les Rencontres sont devenues un lieu de débats, d'échanges et de découvertes. Elle publie depuis 1992 la revue Cinémas d'Amérique Latine, l'unique revue au monde consacrée aux cinématographies latino-américaines. En 2002, elle crée avec le Festival de San  Sebastián, Cinéma en Construction, initiative qui vient en aide aux films latino-américains en difficulté à l'étape de la post-production. Depuis 2005, l’ARCALT organise aussi Cinéma en Développement, un espace de mise en réseau des professionnels européens et latino-américains.